Éclairage sur le transfert de responsabilité en cas de fusion-absorption au regard des récentes décisions de la Cour de cassation

Par Mor NIANG

Doctorant contractuel en droit privé à l’URCA  CEJESCO, ULAVAL – Centre d’Études en Droit Économique

 

La fin de l’année 2020 a été marquée par deux importantes décisions de la Cour de cassation rendues en matière de fusion-absorption. Par définition, la fusion est une opération par laquelle deux ou plusieurs sociétés réunissent leurs patrimoines pour n’en former qu’une seule[1]. Elle peut se réaliser par création d’une nouvelle société. Dans ce cas, les sociétés disparaissent et transmettent leur patrimoine à la nouvelle société créée. Elle peut également intervenir en cas d’absorption, c’est-à-dire que l’une des sociétés absorbe le patrimoine de l’autre ou des autres sociétés qui disparaissent. La fusion entraîne donc une transmission universelle du patrimoine de l’absorbée vers l’absorbante. L’actif et le passif de l’absorbée seront ainsi transmis à l’absorbante. L’actif de l’absorbée peut comprendre un contrat d’assurance destiné à couvrir sa responsabilité civile, qui sera transmis sans difficulté à la société absorbante par l’effet de l’opération. Quid du contrat d’assurance souscrit par l’absorbante ? La 3e chambre civile a apporté des éclairages importants dans son arrêt rendu le 26 novembre 2020[2] à propos du sort du contrat d’assurance de l’absorbante. Concernant le passif à transmettre, la question s’est longtemps posée de savoir si la dette de responsabilité pénale de l’absorbée née avant l’opération de fusion peut être transmise à la société absorbante. Sur cette interrogation, la chambre criminelle a apporté des précisions dans sa décision rendue le 25 novembre 2020[3]

Dans la première affaire, un couple avait conclu un contrat de fourniture et d’installation d’une pompe à chaleur ainsi qu’un ballon thermodynamique avec une société. Cette dernière a, par la suite, été absorbée par une autre société, assurée auprès de la compagnie d’assurance GAN. Le couple, se plaignant de pannes pendant de nombreux mois, a assigné l’absorbée, l’absorbante et son assureur pour obtenir indemnisation des préjudices causés par l’absorbée. La cour d’appel de Bastia, saisie de l’affaire, a rendu un arrêt condamnant l’assureur de l’absorbante à réparer les préjudices subis par le couple. L’assureur se pourvut alors en cassation devant la troisième chambre civile et argua que « si la fusion absorption transmet à la société absorbante l’actif et le passif de la société absorbée, elle ne saurait étendre le bénéfice de l’assurance de responsabilité souscrite par la société absorbante aux faits commis par la société absorbée avant la fusion et modifier ainsi le risque garanti ». La troisième chambre civile casse l’arrêt de la cour d’appel de Bastia au visa des articles 1134 ancien du code civil et L. 236-3 du code de commerce et décide que le contrat d’assurance de l’absorbante garantit la seule responsabilité de celle-ci et non celle de l’absorbée sauf stipulations contraires.

Dans la seconde affaire, une société avait été poursuivie pour une infraction de destruction involontaire de biens appartenant à autrui. Par la suite, elle a été absorbée par une autre avant d’être poursuivie avec la société absorbante pour répondre de cet acte délictuel devant le tribunal correctionnel d’Amiens. Le tribunal a ordonné un supplément d’information pour en connaître davantage sur l’opération de fusion-absorption et pour vérifier si la société absorbante peut-être déclarée coupable de l’infraction. Insatisfaite de ce jugement, la société absorbante a interjeté appel devant la cour d’appel d’Amiens qui la déboute de sa demande de nullité du supplément d’information et confirme la poursuite dirigée contre elle au titre de l’infraction commise par l’absorbée. Elle forma ainsi un pourvoi devant la chambre criminelle de la Cour de cassation en invoquant l’article 121-1 du code pénal qui fait obstacle à la poursuite de la société absorbante pour des faits commis par l’absorbée. La chambre criminelle écarte cet argument et décide que la société absorbante doit répondre des actes de l’absorbée conformément à la transmission du patrimoine issue de l’opération de fusion. Elle précise que cette solution n’est valable que pour les fusions, en principe, intervenues postérieurement au 25 novembre 2020, entre des sociétés anonymes et concerne la peine d’amende et la confiscation.

La troisième chambre civile décide que la fusion n’entraîne pas le transfert du contrat d’assurance responsabilité civile de l’absorbante (I.), la chambre criminelle conditionne le transfert de la responsabilité pénale de l’absorbée (II.).

I. L’impossible transfert de l’assurance de l’absorbante par l’effet de la fusion  

En vertu du principe de la transmission universelle de patrimoine énoncé par l’article L. 236-3 du code de commerce, la dette de responsabilité civile de l’absorbée est automatiquement transmise à l’absorbante. Par conséquent, les victimes peuvent continuer à poursuivre l’absorbante mais le contrat d’assurance souscrit par celle-ci ne peut, sauf stipulation contraires, garantir le paiement de la dette de responsabilité civile de l’absorbée.

A. L’admission du transfert automatique de la responsabilité civile de l’absorbée

La fusion par absorption entraîne, on le sait, la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante. La troisième chambre civile de la Cour de cassation rappelle ce principe posé en droit positif pour motiver sa décision. Ce principe impose de considérer que la dette de responsabilité civile constitue un élément du passif à transmettre à l’absorbante. En l’espèce, la société absorbée était poursuivie pour une dette de responsabilité civile à l’égard des plaignants, cette dette devrait donc être transmise à la société absorbante du fait de la fusion. Les victimes peuvent légalement se tourner vers l’absorbante et invoquer la responsabilité civile de la société absorbée puisque cette dernière n’existe plus depuis la fusion. En principe, la souscription d’une police d’assurance garantissant la responsabilité d’une société est une simple faculté. Toutefois, dès lors que la société effectue des travaux de construction pour des tiers, la souscription d’une garantie décennale devient obligatoire[4]. Le contrat d’assurance garantissant la responsabilité civile de la société absorbée fait partie du nombre des contrats pouvant être transmis à la suite d’une opération de fusion contrairement aux contrats conclus intuitu personae[5]. La transmission se fait donc de plein droit puisqu’il n’existe aucune disposition qui conditionne ce transfert. Cependant, rien n’indique dans les faits que la société absorbée avait souscrit une police d’assurance couvrant sa responsabilité civile. Les victimes pouvaient-elles pour autant invoquer l’assurance de l’absorbante ? La Cour de cassation répond par la négative : le contrat d’assurance souscrit par l’absorbante ne peut être invoqué par les victimes. Elle souligne toutefois que la dette de responsabilité civile de l’absorbée est transmise dans le cadre de l’opération de fusion, ce qui permet aux victimes d’agir sur ce fondement à l’encontre de l’absorbante. L’opération de fusion absorption n’a donc aucune incidence sur l’assurance de responsabilité civile souscrite par la société mère absorbante auprès de son assureur.

B. Le principe d’exclusion de la garantie de responsabilité civile de l’absorbée

La troisième chambre civile de la Cour de cassation fonde l’exclusion de la garantie de la responsabilité civile de l’absorbée sur deux dispositions : l’ancien article 1134 du code civil devenu 1103 du nouveau code civil et l’article L. 236-3 du code de commerce.  Elle censure la décision des juges corses en visant l’article 1134 qui pose la force obligatoire du contrat, donc du contrat d’assurance. Selon ce texte, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». En l’espèce, le contrat d’assurance lie la société absorbante à l’assureur et donc couvre le risque de responsabilité civile de celle-ci et non de celle de ses filiales. La dette de responsabilité de la société absorbée ne peut être prise en charge par l’assureur de la société absorbante dès lors que le contrat prévoit seulement la garantie de la responsabilité de l’absorbante. Le fondement de la force obligatoire emporte aisément l’adhésion dans le sens où le contrat d’assurance est un contrat d’adhésion qui repose sur l’appréciation du risque à couvrir. Par conséquent, permettre de prendre en charge un risque non connu de l’assureur dès la conclusion du contrat porterait atteinte au principe de la force obligatoire bien établi en droit des contrats. Le second fondement de la troisième chambre civile repose sur le principe de la transmission universelle de patrimoine posé par l’article L. 236-3 précité. Pour reprendre le raisonnement de la Cour, « l’assurance de responsabilité de la société absorbante, souscrite avant la fusion, n’a pas vocation à garantir le paiement [de la dette de responsabilité de la société absorbée], dès lors que le contrat d’assurance couvre, sauf stipulation contraire, la responsabilité de la seule société assurée, unique bénéficiaire, à l’exclusion de toute autre, même absorbée ensuite par l’assurée, de la garantie accordée par l‘assureur en fonction de son appréciation du risque ». Le raisonnement de la troisième chambre civile semble perturber la nouvelle analyse de la chambre criminelle de la Cour de cassation consistant à considérer que la société absorbée « n’est pas véritablement autrui à l’égard de la société absorbante »[6], cette dernière assurant la continuité de l’activité économique de la société absorbée. La troisième chambre civile, en décidant que le contrat d’assurance couvre la seule responsabilité civile de l’absorbante, laisse comprendre que la responsabilité civile de l’absorbée, pourtant transmise de plein droit, n’est pas celle de l’absorbante.

C. Une possible extension de la garantie par une clause

Il faut cependant préciser que la Cour de cassation pose seulement un principe d’exclusion du contrat d’assurance de l’absorbante. Le contrat d’assurance est certes un contrat d’adhésion mais l’assureur peut accepter d’étendre son engagement de garantie en appréciant le risque. En effet, si le contrat d’assurance en question contenait une clause étendant la garantie à d’autres sociétés filiales, les victimes pourraient actionner avec succès l’assureur de l’absorbante. Ce qui ne semble pas être le cas en l’espèce. La dernière possibilité dont dispose le couple est de vérifier si la société absorbée avait souscrit une garantie décennale puisque celle-ci est obligatoire eu égard à l’activité exercée par l’absorbée.

Si le transfert de responsabilité civile se justifie aisément par la seule transmission universelle de patrimoine résultant de la fusion, celui de la responsabilité pénale est conditionné.

II. Le transfert conditionné de la responsabilité pénale de l’absorbée

La dette de responsabilité pénale de l’absorbée peut, en principe, être transmise à la société absorbante. C’est ce qu’a décidé la chambre criminelle dans son arrêt rendu le 25 novembre 2020. Ce transfert ne semble toutefois pas automatique dès lors qu’elle fixe des limites à ce principe de transfert de la responsabilité pénale. Il s’agit d’une solution exceptionnelle, d’un revirement de jurisprudence de la chambre criminelle qui infléchit sa position en se conformant à la jurisprudence européenne.

A. Le principe du transfert de la responsabilité pénale

La problématique du transfert de la responsabilité pénale d’une société absorbée par une autre a fait couler beaucoup d’encre dans la jurisprudence française. Peut-on concevoir que la société absorbante puisse répondre des faits répréhensibles commis par la société absorbée avant la fusion ? La chambre criminelle de la Cour de cassation, après une longue hésitation, a fini par admettre que la société absorbante puisse être retenue coupable d’infraction commise par la société absorbée. Pour retenir cette solution révolutionnaire, la chambre criminelle écarte l’approche anthropomorphique[7], longtemps invoquée pour exclure la transmission de la responsabilité pénale de l’absorbée à l’absorbante[8]. La chambre criminelle se fondait sur le principe de la personnalité des peines énoncé par l’article 121-1 du code pénal[9] pour refuser le transfert de responsabilité pénale de l’absorbée à l’absorbante. La fusion a pour effet la dissolution de la société absorbée et sa perte de personnalité juridique et, par conséquent, entraîne l’extinction de l’action publique en application de l’article 6 du code de procédure pénale[10]. Le raisonnement de la chambre criminelle était donc par analogie à la situation de la personne physique décédée. Cette assimilation ne devrait cependant pas être systématique : la personne physique et la personne morale ne peuvent pas être traitées de la même manière par le droit pénal. Aucun juge ne peut infliger une peine d’emprisonnement à une personne morale mais il le peut à l’encontre d’une personne physique. De même, une personne physique qui hérite de son de cujus, ne peut répondre des actes pénaux de celui-ci en vertu de l’article 121-1 du code pénal. En revanche, une société absorbante qui recueille le passif de la société absorbée peut répondre, sous certaines conditions, des actes délictuels commis par la société absorbée. Voilà donc la teneur de la solution de la chambre criminelle qui écarte le critère de la personnalité des peines au profit du critère de la continuité économique.

La chambre criminelle se démarque de l’approche analogique au motif qu’il « ne tient non seulement pas compte de la spécificité de la personnalité juridique, qui peut changer de forme sans pour autant être liquidée, mais [qui] est sans rapport avec la réalité économique ». Elle fonde sa nouvelle démarche sur la nécessité pour l’absorbante de poursuivre l’activité économique de la société absorbée. Empruntant le raisonnement de la Cour européenne des droits de l’homme[11], elle considère que la société absorbante n’est pas véritablement différente de la société absorbée de sorte qu’elle devrait continuer l’activité économique de cette dernière. Même s’il ne résulte pas expressément de l’arrêt, le recours à la notion d’entreprise a été nécessaire pour aboutir à la solution. En décidant que la société absorbante continue l’activité économique de l’absorbée, la chambre criminelle semble admettre que l’entreprise continue et que la société absorbée disparait juridiquement par l’effet de la fusion. Cette décision soulève la question de la différence entre l’entreprise et la société. L’entreprise est une entité économique organisée exerçant une activité économique, tandis que la société est une technique d’organisation de l’entreprise. Alors que l’entreprise n’est pas un sujet de droit[12], la société est une entité juridique titulaire ou non de personnalité juridique[13]. En tant que personne morale, la société peut disparaître du fait de l’opération de fusion. Considérant que le recours à la personnalité morale ne permettrait pas d’admettre le transfert de la responsabilité pénale de la société absorbée, la chambre criminelle a fait référence à l’activité économique de l’absorbée. Si la fusion entraîne la perte de la personnalité juridique de la société absorbée, elle ne « met pas fin à l\’activité économique de [celle-ci] qui se poursuit dans l\’absorbante, laquelle continue donc d\’incarner la même entreprise »[14]. L’arrêt de la chambre criminelle pose un principe général de transfert de la responsabilité pénale de la société absorbée en cas de fusion-absorption et fixe des limites qu’il convient de préciser.

B. Les limites du transfert

La première limite consiste à préciser que le transfert ne concerne que les fusions entrant dans le champ de la directive de 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978, c’est-à-dire les fusions des sociétés anonymes. La note explicative accompagnant la décision, publiée sur le site de la Cour de cassation, étend la solution aux fusions de sociétés par actions simplifiées[15]. Toutefois, rien n’empêche que cette solution puisse être étendue aux fusions effectuées par d’autres formes de sociétés au risque de porter atteinte à « l’égalité pénale des personnes morales »[16]. La deuxième limite est que seules les peines ayant une nature patrimoniale pourront être transmises, et plus précisément la peine d’amende et la confiscation. La dernière limite concerne l’application temporelle de la solution. La décision est applicable pour les fusions intervenues après le 25 novembre 2020 sauf si l’opération de fusion est entachée de fraude.

La solution de la chambre criminelle de la haute juridiction judiciaire marque une évolution jurisprudentielle importante de mise en conformité avec la jurisprudence européenne.

C. Un revirement en conformité avec la jurisprudence européenne

Après une longue résistance, la chambre criminelle de la Cour de cassation vient infléchir sa position et s’aligner avec la jurisprudence européenne sur la question du transfert de responsabilité pénale d’une société absorbée. Cet important revirement a été l’œuvre d’une nouvelle interprétation de l’article 121-1 du code pénal opérée par la chambre criminelle en référence aux solutions posées par les juridictions européennes. Ainsi, dans une décision du 5 mars 2015[17], la Cour de justice de l’union européenne (ci-après CJUE) a accepté le transfert de responsabilité pénale d’une société ayant commis une infraction à la réglementation du travail. Cette solution visait à protéger les intérêts de l’Etat qui se trouveraient compromis si le transfert de responsabilité pénale était impossible. La chambre criminelle a donc interprété l’article 121-1 du code pénal à la lumière de l’arrêt de la CJUE avec une précision que cette interprétation ne fasse « produire un effet direct à l’encontre d’un particulier ». Cette précision se justifie par le principe de la prévisibilité juridique posé en droit européen[18]et réceptionné en droit interne[19]. La solution de la chambre criminelle a, également, été fortement influencée par la Cour européenne des droits de l’homme qui fonde le transfert de responsabilité pénale sur le critère de la continuité économique de la société absorbée par la société absorbante[20].

Pour finir, il est utile de préciser que la solution de la chambre criminelle a été déjà retenue par le Conseil d’Etat[21] et par la chambre commerciale[22] de la Cour de cassation. On note donc une convergence des juridictions internes quant à la question de transfert de responsabilité pénale en cas de fusion-absorption.

Conclusion 

Enseignements à tirer. Les deux décisions commentées sont très importantes en ce qu’elles clarifient la brûlante question du transfert de responsabilité en matière de fusion-absorption. La décision du 25 novembre 2020, plus médiatisée, a apporté une nouvelle approche économique pour aboutir à sanctionner l’absorbante qui n’a pourtant pas commis l’acte répréhensible. Cette nouvelle démarche emporte notre adhésion dans le sens où elle abandonne la conception anthropomorphique qui avait cours au sein la chambre criminelle. L’analogie à la personne physique ne convainc plus, la personnalité juridique de la société n’est qu’une fiction et restera une fiction seulement pour régler certaines situations. La preuve en est, une société peut disparaître et son activité économique être continuée par une autre. Voilà l’enseignement que l’on peut tirer de cette riche décision de la chambre criminelle. L’arrêt du 26 novembre, moins médiatisé, est tout aussi important en ce qu’il refuse le transfert du contrat d’assurance couvrant la responsabilité civile de l’absorbante. La troisième chambre civile privilégie l’analyse civiliste classique se fondant sur la force obligatoire, analyse que nous partageons sans réserve. Cependant, son analyse selon laquelle l’assurance de la société absorbante ne couvre pas la responsabilité de la société absorbée fait penser que celle-ci n’entre pas dans le patrimoine de la société absorbante, ce qui paraît contraire aux dispositions de l’article L. 236-3 du code de commerce pourtant visées dans la solution.

Conseils pratiques. Pour clore, il serait intéressant de proposer quelques conseils pratiques utiles en matière de fusion. L’opération de fusion est une opération délicate qui nécessite une étude précise des enjeux qu’elle emporte, aussi bien pour la société absorbante que pour les éventuels créanciers de la société absorbée. Pour la société absorbante, outre la vérification la situation financière de la société absorbée, l’audit effectué doit davantage permettre de révéler d’éventuelles poursuites dirigées contre l’absorbée. S’agissant des créanciers, il est vrai que l’opération de fusion peut leur être opposée par l’absorbante. Toutefois, l’article L. 235-14 du code de commerce met à leur disposition le droit d’opposition invocable dans les trente jours à compter de la publicité du projet de fusion. Ce droit d’opposition leur permet de demander le remboursement de leur créance ou la constitution de garanties. Dans l’affaire du 26 novembre 2020, les créanciers de la société absorbée ne semblent pas avoir mis en œuvre ce droit, notamment par ignorance de l’opération de fusion, ce qui amoindrit leur chance d’être indemnisés.

[1] MAGNIER, V., Droit des sociétés, Paris, 9eéd., Dalloz, 2019, p. 140.

[2] Civ., 3e, 26 novembre 2020, n°19-17.824, obs. de HAMELIN, J-F., « L’assurance de l’absorbante ne garantit pas forcément la responsabilité de l’absorbée », Revue de droit des sociétés n°1, janv.2021, comm. 7.

[3] Crim., 25 novembre 2020, n°18-86.955, obs. de GALLOIS, J., « Responsabilité pénale de la société absorbante pour des faits commis par la société absorbée », Dalloz actualité, 10 décembre 2020.

[4] L’article L. 242 du code des assurances prévoit que : « Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l’ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l\’ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, … »

[5] Exemple d’un contrat intuitu peronae : le contrat de franchise qui ne peut être transmis par l’effet de la fusion-absorption qu’avec l’accord du franchisé. V. Com., 3 juin 2008, n° 06-18007, publié au bulletin, obs. de LE CANNU, P., et DONDERO, B., RTD.com, n°2, 1er avr. 2009, p.285-387 ; FAGES, B., RTD.civ., n°3, 1er juill.2008, p.478-479.

[6] Crim., 25 novembre 2020, op, cit., note 3.

[7] L’anthropomorphisme est le fait d’attribuer à des choses des réactions humaines.

[8] Crim., 20 juin 2000, n° 99-86742, Bull. crim.2000, n° 237, note de MASCALA, C., Bull., Joly Sociétés n°1, 1erjan. 2001, p.39 ; Crim., 14 octobre 2003, n° 02-86.376, Bull. crim. 2003, n° 189 ; Crim., 18 février 2014, n° 12-85.807

[9] L’article prévoit que « Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ».

[10] L’article prévoit que « L’action publique pour l’application de la peine s\’éteint par la mort du prévenu… ».

[11] CEDH, 24 octobre 2019, Carrefour France c. France, n°37858, obs. MASSART, T., Gaz. Pal. n°12, 24 mars 2020, p. 55 ; LECOURT, A., RTD com. n°1, 1er janv. 2020, 109-117.

[12] PAILLUSSEAU, J., « Entreprise et société. Quels rapports ? Quelle réforme ? », Recueil Dalloz, 2018, p. 1385, n°2.

[13] La société est définie à l’article 1832 du code civil. Elle acquiert la personnalité juridique dès son immatriculation au registre des sociétés. Toutefois, il existe des sociétés qui n’ont pas de personnalité : les sociétés en participation, les sociétés de fait ou créées de fait.

[14] PORACCHIA, D., Chronique de droit des sociétés 2020 : « Fusion, continuité économique et personnalité des délits et des peines », Dr. et Pat. n°305, 1er sept. 2020.

[15] V. la note explicative : https://www.courdecassation.fr/IMG/2020-11-25_arret_CR_note_18-86.955.pdf, consulté le 16/01/2021.

[16] SAINT PAU, J-C., « La responsabilité pénale d’une société absorbante pour une infraction commise par une société absorbée – Revirement de jurisprudence ! », Semaine juridique Edition Générale, n°1, 11 janv. 2021, n°31.

[17] CJUE, 5 mars 2015, C-343/13, Modelo Continente Hipermercados SA, obs. de LE NABASQUE, H., Bull. Joly Sociétés, n°07-08, 1er juil. 2015, p.393 ; REYGROBELLET, A., Revue Lamy droit des affaires, n°104, 1er mai 2015 ; COURET, A., Bull. Joly Sociétés, n°4, 1er avr. 2015, p.200.

[18] CJCE, 26 SEPT. 1993, Arcaro, C-168/95, CJCE, 3 mai 2005, Berlusconi e.a., C6387/02, C-391/02, C-403/02 ;

[19] Crim., 25 oct. 2016, n° 16-80.366, Bull. crim. 2016, n° 275, obs. REBUT, D., Bull. Joly Sociétés, n°02, 1er fév. 2017, p.137.

[20] CEDH, 24 octobre 2019, Carrefour France c. France, op.cit., Cf., note de bas de page n°11.

[21] V. notamment : CE, 22 novembre 2000, n°207697, publié au recueil Lebon, obs. de BARBIERI, J-J., Les petites affiches n°84, 27 avr. 2001, p. 15 ; CE, avis, 4 déc. 2009, RJDA 2010, n° 248. CE, 9 avril 2014, n° 359913; CE 23 juillet 2014, n°359902.

[22] Com., 28 fév. 2006, n° 05-12.138, Bull. 2006, IV, n°49, Cass. com., 21 janv. 2014, n° 12-29166.