
Par Edwige BIESSOU
Doctorante en droit public à l’URCA – CRDT
Le 31 mars 2021, les juges de la Chambre d’appel de la Cour Pénale Internationale (CPI) ont confirmé, à la majorité, la décision d’acquittement de MM. Gbagbo et Blé Goudé. Ces derniers étaient accusés de quatre chefs de crimes contre l’humanité : meurtre, viol, autres actes inhumains et persécution, qui auraient été commis lors des violences postélectorales de 2010-2011 en Côte d’Ivoire.
Le procès dans cette affaire s’est ouvert le 28 janvier 2019. Après plusieurs audiences, la Chambre de première instance I a acquitté MM. Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé de toutes les charges de crimes contre l’humanité prétendument perpétrés sur le territoire ivoirien. La majorité a en effet considéré que le Procureur n’avait pas présenté d’éléments de preuve suffisants pour démontrer la responsabilité des accusés dans les incidents soumis à l’examen de la Chambre.
En particulier, après une analyse minutieuse des éléments de preuve, la Chambre a conclu que le Procureur n’avait pas démontré plusieurs éléments constitutifs essentiels des crimes reprochés, en l’occurrence l’existence d’un « plan commun » pour maintenir Laurent Gbagbo au pouvoir, qui comprenait la commission de crimes à l’encontre de civils. Elle a par ailleurs relevé les limites de l’argumentation du Procureur relativement à la commission d’actes de violence en application ou dans la poursuite d’une politique visant à attaquer la population civile. L’accusation n’a pas non plus démontré que les discours publics prononcés par Laurent Gbagbo ou Charles Blé Goudé étaient constitutifs du fait d’ordonner, de solliciter ou d’encourager la commission des crimes allégués. La Chambre a par conséquent décidé que la défense n’avait pas besoin de présenter d’autres éléments de preuve.
Le 16 septembre 2019, le Procureur a interjeté appel de la décision d’acquittement. Au titre des moyens invoqués, figuraient la violation des exigences statutaires et l’absence de cohérence dans l’articulation et l’application de la norme d’administration de la preuve.
Sur le premier moyen, la Chambre d’appel a conclu, entre autres, que si les chambres de première instance devraient indéniablement rendre le verdict et les motifs de façon simultanée, un délai entre le prononcé d’un verdict et ses motifs n’est pas nécessairement de nature à invalider un procès dans son ensemble. Sur le deuxième moyen, la Chambre a considéré que les deux juges de la Chambre de première instance avaient appliqué de manière cohérente la norme d’administration de la preuve, en estimant que les preuves contre les deux accusés étaient exceptionnellement faibles. Partant, l’appel fut rejeté.
Le caractère définitif de l’acquittement l’exigeant, la Chambre d’appel a révoqué toutes les conditions de la mise en liberté de MM. Gbabgo et Blé Goudé. Ultime manifestation de la victoire qui permis par ailleurs à M. Laurent Gbagbo de fouler à nouveau le sol ivoirien, après dix ans d’absence.